Traitements

L'hormonothérapie des cancers du sein localisés

Vous avez été opérée d’un cancer du sein et on vous a prescrit, après le traitement local (chirurgie, radiothérapie) et peut-être après une chimiothérapie, un traitement par hormonothérapie dite adjuvante*.

Le but de ce livret est d’essayer de compléter les informations qui vous ont été délivrées par l’équipe médicale et de répondre aux questions que vous vous poseriez sur ce traitement.

*Adjuvante : après la chirurgie

Qu’est-ce que l’hormonothérapie ?

70% des cancers du sein sont dits «hormonodépendants», c’est-à-dire qu’il existe à la surface des cellules de ces cancers un grand nombre de récepteurs aux hormones sexuelles féminines : œstrogène et progestérone (cf schéma 1). C’est l’analyse de la tumeur au microscope sur la biopsie ou la pièce opératoire qui détermine si la tumeur exprime des récepteurs aux œstrogènes et à la progestérone (on dit alors que ces récepteurs sont positifs) et dans quelle mesure (pourcentage et intensité de positivité). Dans ces cas, les hormones agissent comme des agents favorisant la croissance du cancer.

Le terme d’hormonothérapie peut prêter à confusion. Il s’agit en fait d’un traitement qui vise à bloquer l’action stimulante des hormones féminines sur les cellules du cancer du sein (traitement antihormonal). Plus une tumeur exprime fortement les récepteurs hormonaux plus la probabilité d’efficacité de l’hormonothérapie est grande. En France, une hormonothérapie est proposée si l’expression de l’un ou l’autre de ces récepteurs (œstrogène et/ou progestérone) est supérieure ou égale à 10%.

Schéma 1

Après un cancer du sein, la prise de médicaments contenant des œstrogènes ou de la progestérone (pilule contraceptive ou traitement hormonal substitutif de la ménopause*) est contre-indiquée.

*Ménopause : période pendant laquelle les ovaires arrêtent de fabriquer des œstrogènes (l’âge de début est variable d’une femme à l’autre ; en général autour de 50 ans, mais les traitements et notamment la chimiothérapie peut en avancer l’âge de survenue)

A quoi sert l’hormonothérapie ?

Après la chirurgie, l’hormonothérapie sert à diminuer le risque de récidive du cancer du sein et la mortalité liée à cette maladie. Il est prouvé qu’elle diminue le risque de récidive plusieurs années plus tard dans les seins (récidive locale) ou dans d’autres organes (récidive métastatique*). Elle n’est efficace que si la tumeur exprimait les récepteurs hormonaux (œstrogène et/ou progestérone).

L’action stimulante des hormones sur le cancer du sein est connue depuis la fin du XIXème siècle et, déjà à cette époque, on effectuait des traitements «hormonaux» en retirant les ovaires. Puis, des progrès ont été réalisés dans nos connaissances sur le fonctionnement des hormones, et des médicaments «antihormones» ont été développés montrant au fur et à mesure une plus grande efficacité. Les médicaments actuellement utilisés ont fait l’objet de nombreuses études auxquelles ont participé des dizaines de milliers de patientes et il est maintenant clairement établi que ces traitements permettent de diminuer le risque de récidive du cancer du sein, avec un bénéfice qui se prolonge plusieurs années plus tard.

*Métastase : tumeur cancéreuse développée dans un autre organe à distance de la tumeur initiale

« Mon hormonothérapie : c’est mon bouclier ! »
Séverine

Comment marche l’hormonothérapie ?

Il existe plusieurs hormonothérapies avec des mécanismes d’action différents. Le choix du traitement va dépendre essentiellement de l’existence ou non d’une ménopause (période qui correspond à l’arrêt de la synthèse* d’œstrogènes par les ovaires). Le choix du traitement peut également tenir compte des facteurs pronostiques de la maladie et des effets indésirables possibles.

*Synthèse : fabrication

Il existe 3 classes médicamenteuses d’hormonothérapie :

  • Le tamoxifène : il se fixe sur le récepteur aux hormones à la place de l’œstrogène et rend le récepteur inactif. Il est efficace avant et après la ménopause.
  • Les antiaromatases (létrozole ou fémara®, anastrozole ou arimidex®, exemestane ou aromasine®) : ils diminuent la quantité d’œstrogène dans le corps. Plus précisément, ils empêchent l’aromatase de transformer les androgènes* en œstrogène (ce qui est la voie de synthèse principale des œstrogènes après la ménopause) (cf schéma 2). Ils ne sont efficaces que chez la femme ménopausée (ou en association avec des agonistes de LH-RH avant la ménopause). C’est le traitement de référence chez la femme ménopausée.
    *Androgènes : hormones synthétisées par certains organes (les glandes surrénales) et ensuite transformées en œstrogènes 
  • Les agonistes de la LH-RH* (goséréline ou zoladex®, triptoréline ou décapeptyl®, leuproréline ou énantone®) : ils bloquent les ovaires et les empêchent de synthétiser des œstrogènes créant ainsi une ménopause artificielle et réversible. Ils n’ont d’intérêt que chez la femme non ménopausée. Ils peuvent être utilisés en relais du tamoxifène mais aussi parfois en association au tamoxifène ou aux antiaromatases.
    *FSH et LH-RH : hormones synthétisées par des glandes situées au niveau du cerveau (hypothalamus, hypophyse) et qui stimulent la fabrication des œstrogènes par les ovaires.

Schéma 2

L’hormonothérapie a un mécanisme d’action différent de celui de la chimiothérapie et leur action est complémentaire.

Comment se prend l’hormonothérapie ?

L’hormonothérapie est souvent prescrite après la chirurgie, généralement à l’issue de la radiothérapie. Elle est administrée pour une durée de 5 ans minimum et parfois jusqu’à 10 ans en fonction des facteurs pronostiques de la maladie et de la tolérance.

Il est possible que le traitement soit modifié en cours de prise soit parce que votre statut ménopausique a changé (exemple : le tamoxifène peut être remplacé par une antiaromatase si une ménopause est diagnostiquée après 2 à 3 ans de traitement) soit parce que vous ne tolérez pas bien le traitement.

Il est nécessaire d’être assidue et régulière dans la prise de son hormonothérapie afin de garantir une efficacité optimale. Les traitements en comprimés doivent être pris tous les jours à une heure régulière. Une prise trop souvent irrégulière ou des oublis trop fréquents risquent de compromettre son efficacité.

Pour éviter les oublis, il peut être judicieux de la prendre avec les autres médicaments que vous prenez déjà. Il est possible aussi de mettre une alarme sur son téléphone ou de trouver un «rituel» pour ne pas l’oublier (par exemple dans la tasse de café du matin, sur la table de nuit…).

Dans certains cas, et selon le risque de récidive de la maladie, il est nécessaire d’associer à l’hormonothérapie un inhibiteur de CDK 4/6. Il s’agit d’une thérapie ciblée qui potentialise l’effet de l’hormonothérapie et qui nécessite un suivi plus rapproché.

Hormis l’exemestane qui doit se prendre après un repas, les comprimés d’hormonothérapie se prennent à n’importe quel moment de la journée.

Il existe parfois des risques d’interactions avec d’autres médicaments, notamment pour le tamoxifène (avec certains antidépresseurs par exemple). Il est conseillé de toujours signaler à vos médecins, mais également à votre pharmacien, la liste complète des traitements que vous prenez. De même, la consommation de millepertuis est fortement déconseillée car elle risque d’interagir avec l’hormonothérapie.

Vivre au quotidien sous hormonothérapie : effets indésirables et conseils pratiques

Les effets secondaires varient d’un médicament à l’autre, d’une patiente à l’autre et sont également variables dans le temps. Certains sont plus fréquents que d’autres et sachez que dans tous les cas, la balance entre les bénéfices (diminuer le risque de récidive du cancer) et les risques (effets secondaires) est discutée. En cas d’effets indésirables importants qui vous incitent à arrêter ou rendent difficile la bonne prise du traitement, parlez-en à votre médecin car des alternatives et des adaptations sont peut-être possibles. La plupart des effets secondaires de l’hormonothérapie sont liés au mode d’action du traitement et à leur effet anti-hormonal qui mime ou majore les signes d’une ménopause. La majorité des effets secondaires sont réversibles à l’arrêt du traitement.

Les bouffées de chaleur

Elles apparaissent dès la chimiothérapie si celle-ci a entrainé un arrêt des cycles menstruels* et se majorent avec l’hormonothérapie (surtout avec les agonistes de LH-RH et le tamoxifène). Plus fréquentes les premiers mois de traitement, elles diminuent le plus souvent avec le temps. Parfois dans la journée parfois nocturnes ou les deux, elles peuvent nécessiter des adaptations du traitement (fractionner les prises ou modifier l’horaire de prise par exemple) ou un traitement complémentaire (acupuncture, auriculothérapie, des médicaments ne contenant pas d’œstrogènes…).

*Cycles menstruels : règles chez la femme

Les douleurs articulaires

Elles sont plus fréquentes avec les antiaromatases et correspondent souvent à des raideurs articulaires qui prédominent le matin et s’améliorent avec l’activité physique. D’autres effets articulaires sont décrits avec les antiaromatases comme des tendinites*, des syndromes du canal carpien*.

*Tendinite : inflammation douloureuse d’un tendon musculaire
*Syndrome du canal carpien : fourmillements et engourdissements des 3 premiers doigts de la main, parfois douloureux 

La prise de poids

Ayant souvent plusieurs origines (diminution de l’activité physique, traitements, ménopause chimio-induite…), la prise de poids est un effet indésirable fréquent des traitements du cancer du sein. L’hormonothérapie peut y contribuer aussi. Une activité physique régulière ainsi qu’une alimentation équilibrée et adaptée vous aideront à limiter cette prise de poids possible.

La fatigue

Il s’agit d’un symptôme très fréquent après les traitements et elle peut perdurer longtemps après la fin de ceux-ci sous la forme d’une fatigabilité plus rapide ou plus fréquente. La pratique d’une activité physique régulière aide à lutter contre cette fatigue. Si vous ressentez une fatigue très importante gênant vos activités habituelles, parlez-en à vos médecins car une autre cause peut parfois être évoquée (dépression, anémie*, hypothyroïdie*…).

*Anémie : baisse des globules rouges
*Hypothyroidie : insuffisance de production des hormones thyroïdiennes par la glande thyroïde

La diminution de la densité osseuse (ostéopénie, ostéoporose)

Il s’agit d’un effet secondaire possible de l’hormonothérapie et il sera surveillé en raison des risques de fractures à long terme qu’il entraine. Pour le dépister, une ostéodensitométrie (examen mesurant la densité de vos os) sera réalisée et au besoin un traitement par calcium, vitamine D ou un traitement de l’ostéoporose sera prescrit. Sachez que limiter votre consommation d’alcool, de tabac et pratiquer une activité physique régulière contribuent à la bonne santé de vos os.

« S’il est vrai que j’ai ressenti un certain nombre d’effets secondaires au début du traitement, ces derniers se sont atténués au fil des mois. Aujourd’hui je vis normalement : quelques désagréments mais tout à fait gérables au quotidien ».
Gaelle

Les troubles de l’humeur

La maladie et ses traitements peuvent générer des difficultés psychologiques (sensation de mal être, angoisses, humeur triste…). Ces troubles peuvent parfois apparaître après la fin des traitements et pendant l’hormonothérapie car la diminution des œstrogènes, comme on peut le voir à la ménopause, peut entrainer des troubles de l’humeur. Si cela vous arrive, n’hésitez pas à en parler à votre entourage et à un professionnel de santé qui pourront vous aider et vous accompagner. Un soutien psychologique est possible à toutes les étapes de la prise en charge de votre maladie.

Les troubles gynécologiques et de la sexualité

Le symptôme le plus fréquent est la sécheresse vaginale qui peut nécessiter des traitements locaux (gels ou ovules, lubrifiants…).

Des troubles de la libido et un retentissement sur la sexualité sont possibles, au besoin, des consultations de sexologie existent.

Sous tamoxifène, les règles peuvent être perturbées, des kystes ovariens, le plus souvent asymptomatiques, sont possibles et des pertes vaginales peuvent survenir. En cas de saignements vaginaux anormaux (règles trop abondantes ou saignements entre les règles) une consultation rapide auprès d’un gynécologue et une échographie utérine sont nécessaires.
Le tamoxifène augmente très légèrement le risque de cancer de l’endomètre (corps de l’utérus) mais ce risque est bien inférieur au risque de récidive du cancer du sein sans prise de tamoxifène.
Enfin, le tamoxifène est tératogène*, et une contraception efficace non hormonale (ex : stérilet au cuivre, préservatifs) est nécessaire sous traitement.
Si vous avez un projet de grossesse, parlez-en avec l’équipe médicale et sachez qu’il nécessitera l’arrêt du traitement au moins 9 mois avant la conception.

*Tératogène : peut donner des malformations de l’embryon ou du fœtus pendant la grossesse

Le risque de thrombose* (phlébite*, embolie pulmonaire*)

Le tamoxifène augmente un peu le risque de thrombose. En cas de long voyage ou de situations avec station assise ou allongée prolongée, pensez à prévoir des contentions veineuses élastiques, à vous mouvoir le plus souvent possible et à bien vous hydrater.

*Thrombose : caillot sanguin dans une veine
*Phlébite : caillot sanguin dans une veine, le plus souvent une veine de la jambe
*Embolie pulmonaire : caillot sanguin dans une veine pulmonaire

Les troubles visuels

Le tamoxifène peut entrainer dans de très rares cas des cataractes* ou anomalies de la rétine*.

*Cataracte : opacification du cristallin entrainant une diminution de la vision
*Rétine : organe sensible de la vision situé au fond de l’œil

Les troubles biologiques

Comme la plupart des médicaments, l’hormonothérapie peut entrainer des perturbations de la biologie du foie qui sont le plus souvent minimes et ne nécessitent pas de surveillance systématique. Les traitements hormonaux peuvent parfois contribuer à une dyslipidémie (modification du taux de cholestérol et/ou des triglycérides) ou une hyperglycémie (augmentation du taux de sucre dans le sang).

Autres effets indésirables

D’autres effets indésirables sont parfois rapportés : maux de tête, nausées en début de traitement, fragilité des cheveux… Des troubles de la concentration sont souvent relatés mais ils peuvent également être liés aux traitements précédents (chimiothérapie) ou à des troubles de l’humeur. Des consultations dédiées avec un neuropsychologue peuvent permettre de faire le point sur ces difficultés si besoin.

Foire aux questions

Et chez l’homme ?

L’hormonothérapie est aussi efficace chez l’homme que chez la femme. Le tamoxifène est le traitement de première intention.

Je veux en savoir plus, où trouver une information fiable ?

J’ai oublié de renouveler mon ordonnance, comment faire ?

Votre pharmacien a la possibilité de délivrer une boite supplémentaire sans ordonnance car il s’agit d’un traitement au long cours. Votre médecin traitant ou votre gynécologue peut aussi renouveler l’ordonnance.

Et les génériques ?

Ils sont aussi efficaces que le médicament princeps (premier médicament commercialisé). Seuls les excipients sont différents et peuvent varier d’un médicament à l’autre, pouvant parfois expliquer des effets indésirables différents (le plus souvent cutanés, digestifs ou maux de tête).

J’ai oublié de prendre mon traitement hier soir, que faire ?

Si vous vous apercevez d’un oubli, prenez le médicament dès que vous vous en rendez compte si c’est dans les 6 heures qui suivent l’heure de prise habituelle. Au-delà, attendez la prochaine prise. Ne pas prendre double dose.

Un exemple d’activité physique recommandée ?

Marche rapide, marche nordique ou vélo, 30 à 45 minutes par jour.

Ressources utiles

Département de Médecine et soins de support du Centre Henri Becquerel :
02 32 08 29 18
(Kiné, psychologue, sexologue, médecin du sport, diététicienne, assistante sociale…)

Pensez également aux associations de patientes
(coordonnées disponibles à l’espace de rencontres et d’informations du Centre)

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